«…Pourquoi faudrait-il, à toute force, se contraindre à goûter aux plats des tambouilles à la mode…»

Cet éclat agacé et quelque peu iconoclaste n’est pas le fait d’un anarchiste ou d’un jeune désireux de choquer pour attirer l’attention sur sa personne.

Non! Bruno Frappat est un des journalistes les plus expérimentés de notre pays, et un chroniqueur de talent.

Ainsi qu’il l’écrivait il y a quelque temps, il lui est venu «comme une envie de siffler» comme d’aucuns le font devant une mauvaise pièce de théâtre !

«…il y eut, expliquait-il, au temps des guerres et du service militaire, des objecteurs de conscience. Ils passèrent de mauvais quarts d’heure au nom de leurs convictions…

Établissons une bonne fois pour toutes le droit à l’objection de conscience dans le domaine des modes, qu’elles soient littéraires, cinématographiques, commerciales, politiques, sportives.

Revendiquons pour les uns le droit de ne pas s’obséder sur « le Mondial de football », pour les autres de ne pas béer devant les smokings « du Festival de Cannes », pour d’autres encore de ne pas vibrer pour « Roland Garros », pour la F1, de se priver des « Bronzés 3″…»

Cette réaction m’a paru saine et courageuse.

Jamais peut-être, le conditionnement des foules n’a été aussi fort.

Les médias et en particulier la télévision uniformisent les pensées, les sentiments, les comportements.

« Moutons de Panurge » inconscients ou consentants,

beaucoup adoptent les modes du jour, en tous domaines,

et les « révoltes » elles-mêmes, qu’elles s’expriment ou s’exhibent par le langage, la manière de s’habiller, la musique ou d’autres signes… ne sont, au second degré, le plus souvent que l’un des produits exutoires et récupérés de cette « civilisation » envahissante et assujettissante.

« Il faut être dans le vent », suivre toutes les modes, fussent les plus primaires et parfois dégradantes, sinon vous êtes marginalisés par « les copains et copines » à l’école ou au bureau ou ailleurs.

Et s’il est des « girouettes » professionnelles et intéressées à l’affût des vents porteurs, le plus grand nombre emboîte le pas sans réfléchir…

Ce « droit à l’objection de conscience » que revendique pour tous Bruno Frappat, est presque dramatique.

Car enfin, ce devrait être une évidence, au nom de la liberté, du respect de l’autre… pour peu bien évidemment que cette liberté, ce droit à la différence, n’empiète pas sur la liberté du prochain, ni ne lui soit en rien préjudiciable.

Il faut certes un minimum de lois et conventions sans lesquelles la vie en société ne serait pas possible, mais, lois, règlements et conventions étant établis afin de permettre à tous de mener une vie en harmonie et non pas pour enrégimenter, corseter, assujettir.

En fait, le « rouleau compresseur » de « la culture » de ce temps est tel que peu de personnes peuvent y résister.

Les campagnes de « promotion », de « sensibilisation », d’intégration, d’avertissement, etc., se succèdent et il devient bien difficile, face aux discours, exposés, slogans, chiffres, statistiques, sondages… de démêler le vrai du faux.

Cette époque est caractérisée en particulier par la démesure, l’émotivité, le pouvoir de l’image…

Il n’est pas bon d’être en dehors des normes!

Que d’ayatollahs, bien trop sûrs d’eux et de « leurs vérités », décidés à tout régenter aujourd’hui! Dangereux comme le sont également les personnages naïfs ou doctrinaires qui veulent faire « le bonheur » des autres selon leurs propres conceptions, même quand ils en font le malheur!

Je plains, entre autres, les obèses, ou ceux qui sont désignés comme tels!

Quelle insistance déplacée, quelle dénonciation!

Les « obèses » ou « futurs obèses » doivent-ils être pourchassés de manière presque hystérique…

Triste et redoutable habitude qui s’instaure et s’exerce envers de plus en plus de catégories de personnes… Est-ce une forme de retour au « Moyen Age » et aux procès « en sorcellerie »? A l’inquisition ou aux méthodes staliniennes?

Qu’il faille informer avec mesure, délicatesse, les uns et les autres, en fonction de découvertes, enquêtes, études(!)… soit!

Mais que cela se fasse dans la discrétion, le respect de ceux auxquels on s’adresse… et avec modestie. Car les affirmations péremptoires d’aujourd’hui seront peut-être infirmées ou tempérées demain. Cela souvent est arrivé, et arrivera!

Quoi qu’il en soit, cette démesure qui sévit à propos de tout ou presque est lassante.

Cette volonté de tout uniformiser,

de tout réglementer,

de tout surveiller,

de tout embrigader, est non seulement pénible, mais hypothéquante et liberticide.

C’est là, le vieux et dangereux rêve de toutes les dictatures.

Le droit de ne pas être d’accord est une base fondamentale de la liberté.

Quand on y touche, quel que soit le domaine, c’est tout l’édifice qui est ébranlé.

John Steinbeck avait craint une telle dérive lorsqu’il écrivait:

«Lorsque notre nourriture, nos vêtements, nos toits ne seront que le fruit exclusif de la production standardisée, ce sera le tour de notre pensée. Toute idée non conforme au gabarit devra être éliminée.»

« L’objection de conscience »: il faudrait peut-être inscrire « ce chef-d’œuvre en péril » dans la Constitution…

«Choisis!»

C’est une des grandes interpellations de la Bible!

Et il s’agit du Créateur lui-même, qui s’adresse à l’homme si fragile, lui donnant cette liberté totale jusqu’aux ultimes conséquences:

«J’ai mis devant toi deux chemins… La vie, la mort…

Choisis la vie, afin que tu vives» insiste celui qui connaît toutes choses !

Mais la liberté demeure, entière.

Y.CH.