«Il n’y a rien d’irréparable, Marius, rien d’irréparable…»

C’est par ces mots que s’achève la remarquable trilogie de Marcel Pagnol consacrée à Marius, Fanny et César…

Ce conteur et écrivain de grand talent, tout au long de cette œuvre émeut, déchaîne les rires, amuse, fait naître les larmes…

Mais ces personnages et ceux qui les entourent sont si vrais dans leur humanité qu’ils semblent avoir vécu, et que l’on en viendrait presque à chercher leur souvenir du côté du Vieux Port à Marseille!

C’est pourquoi, au-delà du rire et des émotions, ils forcent à la réflexion.

Les ans passent, les siècles s’écoulent, les décors du monde changent – théâtre des hommes et femmes de toutes les époques – mais la nature humaine demeure la même, avec ses espoirs et illusions, ses mesquineries et ses drames, ses joies et ses peines…

Aussi lorsque Marcel Pagnol amène Fanny à dire tendrement à Marius retrouvé après tant de vicissitudes: «il n’y a rien d’irréparable, Marius…», au-delà du lyrisme et du théâtre, c’est un hymne d’espoir qu’il adresse à tous les hommes et femmes qui veulent entendre.

«Il n’y a rien d’irréparable…»! tout au moins quand il s’agit des sentiments, de ce que les êtres humains peuvent maîtriser.

Quand la volonté de surmonter les ressentiments, les blessures du cœur existe et s’impose,

quand triomphe la miséricorde sur la rancune ou l’amertume, le pardon sur la vengeance… et même, comme la Bible le souligne:

«l’amour sur le jugement».

Evidemment il n’est pas question de faire montre d’angélisme, de naïveté ou de crédulité! Le monde est ce qu’il est, et des hommes et femmes sont parfois retors, menteurs, cruels… Les escrocs et calculateurs de toutes sortes abondent en tous domaines!

Mais, il ne faut pas détruire l’espérance…

Et il arrive chaque jour que, le temps passant, des circonstances ayant surgi, plus d’expérience et de sagesse ayant fait leur œuvre,

des réconciliations se réalisent,

des cœurs se rapprochent,

des vies retrouvent la vie…

Je me souviens du terrible drame qui atteignit, il y a bien des années, un couple heureux.

Henri Milans, grâce à son travail parvint à une place de tout premier plan dans le journalisme, et pour son épouse, femme remarquable, et lui-même, il y eut un temps de prospérité et de bonheur…

Mais peu à peu, l’alcoolisme entra dans la vie de ce rédacteur en chef… Pendant plusieurs années, sa femme l’aida de toutes ses forces et de tout son amour.

Il tenta d’arrêter de boire… et y réussit quelques temps… Son talent était si grand que ses écarts lui furent pardonnés… jusqu’au jour où il fut congédié. Alors sa chute s’accéléra…

Sa femme, atteinte dans sa santé, épuisée, dut se résoudre à le quitter…

Il alla de déchéance en déchéance… et le temps passa…

Puis un jour, «au bout du rouleau», véritable épave humaine,

il entendit l’invitation d’une jeune personne de l’Armée du Salut à se rendre à une réunion…

N’ayant plus rien à perdre, il accepta.

Et lorsqu’il entendit l’Evangile, le prédicateur affirmer que pour tout être humain, même le plus bas tombé, il y a un espoir s’il crie vers Dieu… il prit une décision solennelle: celle de changer définitivement de vie!… Mais pour que ce ne soit pas une promesse sans lendemain, il pria, demandant à Dieu de mettre en lui la force qui lui avait toujours manqué.

Et il reprit son chemin plein de confiance.

Il lui fallait maintenant prouver à lui-même, et à tous, qu’il avait vraiment changé.

Il chercha longtemps un travail… puis avec son premier salaire, il trouva un modeste logement, il put peu à peu s’habiller décemment, retrouver un aspect normal.

Après un temps, il écrivit à son épouse.

Heureuse mais prudente, elle accepta au bout de quelques semaines de le revoir.

Elle s’attendait à rencontrer un homme marqué par la déchéance, et elle vit son mari, propre, bien vêtu, et qui l’invitait à manger au restaurant.

Elle comprit qu’elle pouvait sans risque reprendre avec lui le chemin interrompu.

Et toutes les années qui passèrent ensuite dans le bonheur retrouvé prouvèrent qu’elle avait eu raison.

«Il n’y a rien d’irréparable». L’histoire authentique d’Henri Milans et de tant d’autres le prouve.

Par la parabole du fils prodigue, Jésus le souligne avec tellement de réalisme… Il transmet un immense message d’espoir à tous ceux que les circonstances de la vie, ou leurs propres errements ont marqué, et entraîné à la dérive…

Message d’espérance et d’appel, également aux couples brisés, aux familles désunies, à tous ceux qui ont besoin de revenir «à la maison».

Et à chaque être humain, au-delà des maisons d’ici-bas, le Christ dit, que la maison de Dieu demeure ouverte.

Non ! Il n’y a rien d’irréparable.

Pasteur Yvon Charles