Le cheminement de Salim Bouali est tout sauf banal.

Né le 26 mars 1959 à Vienne (Isère) dans une famille algérienne de sept enfants, il grandit dans l’Est du pays. Son père travaille à Besançon comme chef d’équipe, dans la chimie, et sa mère comme femme de ménage. Mais alors que la famille se trouve un jour en vacances en Algérie, ses parents sont tués dans un accident de voiture.
Un drame que le jeune Salim vit difficilement.

Il n’a que dix ans.

Orphelin, il passe alors les années de préadolescence et d’adolescence dans un orphelinat à Colmar, avant d’errer d’un abri de fortune à un autre, dormant dans des caves ou autres endroits insalubres.

 

«J’étais à la rue, j’ai trouvé ma famille»

C’est à l’âge de 17 ans qu’une rencontre fortuite, dans un bar à Colmar, sera à l’origine d’un changement de vie total. Un jeune homme sportif, sympathique lui parle de voyages. Comme Salim n’a qu’une envie: tourner le dos à une vie qui jusque-là ne lui a apporté que peines et misères, il suit cet inconnu jusqu’à Strasbourg. C’était en fait un légionnaire, et arrivé à Strasbourg, Salim n’hésite pas une seconde à s’engager, lui aussi, dans la Légion étrangère.

«Je ne me suis plus retourné,  raconte-t-il, j’avais perdu mes parents, j’étais à la rue, j’ai trouvé ma famille.»

En effet, dans ce cadre, où des multitudes de soldats de cultures  et pays différents, vivent ensemble, Salim s’intègre très bien.

Parmi ces hommes rudes, venant de quelque 150 nationalités différentes, il découvre une fraternité réelle. Enfin, il est reconnu pour ce qu’il est capable de faire et non pas pour ses origines ou ses diplômes, il se trouve sur un pied d’égalité avec d’autres, jeunes ou moins jeunes, diplômés ou non diplômés, de couleur de peau différente… C’est un monde nouveau qui s’ouvre à ce fils d’immigrés qui s’est souvent senti étranger et différent.

 

Ce qui lui plaît dans la Légion étrangère,
c’est que tout le monde a sa chance…

Alors, son engagement est total, il change de nom, suit avec un grand enthousiasme la formation de soldat, il est apprécié par ses supérieurs aussi bien que par ses camarades proches.

Ce qui lui plaît dans la Légion étrangère, c’est que tout le monde a sa chance, comme il dit: «le plus faible moralement, intellectuellement, psychiquement, on lui tend la main. Le gradé connaît ton chemin. Il y a des journalistes, des médecins, des tueurs à gages, des clochards, tout le monde est pareil…»

Salim pour sa part choisit le régiment parachutiste d’élite à Calvi, puis il participe à des opérations militaires aux quatre coins du monde: Djibouti, la Lybie, le Tchad, le Liban… Comme première mission importante, on lui demande d’assurer la protection de Yasser Arafat, le commandant de l’OLP.

«Je voulais m’identifier à lui, raconte-t-il dans son témoignage. Moi en tant qu’Algérien, je voulais être un homme fort. Avec ma religion musulmane, je pensais être quelqu’un de capable…»

Il participe également à la Guerre du Golfe, en automne 199O et début 1991. Et c’est là qu’il va, un jour, être bouleversé par un simple témoignage chrétien.

«Mon premier contact avec les Évangiles, dit-il, c’est quand je faisais la protection du Général Janvier.»

Un jour où lui et ses camarades devaient déjeuner ensemble, il constate qu’un Espagnol s’est abstenu de manger. Lorsque Salim lui demande pourquoi, cet homme qui était chrétien, lui confie qu’il jeûne, qu’il consacre ce temps du repas à la prière, notamment pour demander à Dieu de les protéger et de les préserver de la mort.

 

J’ai vu que la prière  d’un homme sur la terre
a été exaucée par un Dieu vivant…

Salim est touché de voir quelqu’un renoncer à manger afin de prier pour ses camarades. Et peu après, alors qu’il part avec le Général Janvier en hélicoptère, un missile frôle l’appareil. Ils doivent se poser en catastrophe. Pour lui, c’est évident: Dieu les a préservés en réponse à la prière de son camarade.

«C’est la première fois, dit-il, que j’ai vu que la prière d’un homme sur la terre a été exaucée par un Dieu vivant… J’ai été interpellé par cet homme-là… Je réalisais que sa présence à mon côté m’apportait la paix, son comportement pour moi était exemplaire.»

Salim fait 18 années dans la Légion, et durant ces années, il s’ouvre petit à petit à la foi: «J’ai eu des petits cailloux, dit-il, jusqu’à rencontrer le rocher».

Lui, le musulman qui a suivi l’école coranique, échange de temps à autre avec l’aumônier catholique, puis avec d’autres chrétiens.

Après son temps à la Légion, il s’engage comme mercenaire et part pour la Sierra Leone où l’attend une «mission officieuse». Là aussi, le témoignage d’un couple chrétien, des gens qui vivaient vraiment leur foi, l’interpelle. Mais Salim, bien qu’impressionné et touché par leur vie, n’est pas encore prêt pour un engagement total.

«C’était très difficile pour moi d’accepter leur foi, raconte-t-il, parce que le point central de leur vie, c’était Jésus, et moi, je n’aimais pas Jésus parce que, premièrement, c’était un Sauveur pour l’Occident et pas pour moi, et deuxièmement parce qu’il était juif. Moi j’avais un grand problème avec Israël, et je ne voulais pas que mon Sauveur soit un Juif, j’aurais préféré qu’il s’appelle Mohammed, Salim ou Alsalim, mais accepter Jésus, Sauveur en tant que Juif, c’était très difficile.»

 

«Dieu est le Père de l’orphelin»

Cependant, Salim accepte de les accompagner dans leur église, une église évangélique où il rencontre, comme il le dit lui-même, «des gens tout à fait équilibrés, et leur témoignage et leurs paroles ont réconforté mon cœur».

Ces chrétiens lui ont offert une Bible, et en parcourant ce livre, il se trouve face à une parole qui le bouleverse: «Dieu est le Père de l’orphelin». Quiconque maltraiterait un orphelin, Dieu alors personnellement s’en chargerait.

Puis, un autre verset de la Bible l’interpelle fortement: «Que fais-tu d’extraordinaire d’aimer les gens qui t’aiment. Moi, ton Dieu, je t’encourage à aimer celui qui te maudit, à prier pour celui qui te maltraite, à bénir celui qui te fait du mal.»

 

La Bible: le miroir de l’âme humaine

Il découvre aussi que la Bible est comme un miroir qui te renvoie une image de ce que tu es au plus profond de toi-même. Il s’aperçoit qu’il porte finalement un masque derrière lequel se trouvent accumulés la haine, la rébellion, le péché sous toutes ses formes… et Dieu lui demande d’ôter ce masque pour que sa Parole, le message de l’Évangile puisse toucher son cœur. Il réalise tout le mal qu’il a fait, mais il découvre aussi la grâce de Dieu, son amour, son pardon…

«J’ai compris, poursuit-il, que j’étais plein d’erreurs aussi, de haine, de rébellion, j’étais lié à des choses pas belles du tout. Mais laissant la Parole toucher mon cœur, laissant Dieu me guérir, apaiser mon âme, j’ai trouvé un père qui m’aimait, alors que dans la Légion avec 10000 soldats, 10000 frères d’arme, je n’ai pas pu trouver un père.»

«Ma vie aujourd’hui, dit-il, résumant en quelques mots la transformation que son existence a connue depuis sa rencontre avec le Seigneur, est centrée sur un Dieu vivant qui jour après jour m’amène à aimer celui qui me hait, parce que j’ai compris qu’après 18 ans de guerre, la seule arme qui peut toucher un homme, c’est l’arme de l’amour.»  

Après cette rencontre avec Dieu qui bouleverse toute son existence, Salim n’a qu’un désir: partager avec d’autres ce qu’il a trouvé, être utile entre les mains de ce Dieu qui s’est révélé à lui.

 

Dans les quartiers difficiles
de Marseille…

Il s’engage alors comme éducateur dans les cités difficiles de Marseille, il choisit ces quartiers où il y a jusqu’à 80% de Maghrébins, voulant apporter un témoignage chrétien au milieu de ces populations en difficulté, souvent hostiles.

Il sait que le chemin ne sera pas facile, que son témoignage ne sera pas toujours accepté dans ce milieu.

«Moi, j’étais maghrébin et chrétien, dit-il, et ces choses ne peuvent pas aller ensemble… Le mot «mécréant» se répétait jour après jour… On t’accepte, Salim, disaient souvent les gens qu’il croisait, mais l’erreur c’est que tu confesses un Dieu qui est étranger à nous…»

Il reconnaît que les débuts sont très compliqués, il avoue avec souffrance qu’il a pleuré plus d’une fois parce qu’il ne comprenait pas bien ce christianisme occidental, il se demandait même s’il avait le droit de prier en arabe… mais, en avançant jour après jour dans la vie de la foi, en écoutant aussi le témoignage d’autres chrétiens avec un arrière-plan maghrébin, il est éclairé, il est rassuré:

«On peut, dit-il, s’appeler Salim et être un chrétien à part entière, Algérien, Marocain, Égyptien, ou Jordanien, ça n’a rien à voir».

Salim est certain de la grâce de Dieu qui l’accompagne, il est réconforté par des paroles de la Bible, comme celle-ci: «Ne crains rien, je suis avec toi tous les jours…»

En 2001, il crée l’association «En action pour les Nations» dont l’objectif est tout particulièrement d’inculquer des notions de civisme aux jeunes des quartiers, et en 2006, il s’installe dans la cité Félix-Pyat, renommée pour ses problèmes, afin de «tenter de récupérer les gamins au pied des immeubles»…

 

Son appel: partager la Bonne Nouvelle avec quiconque,
sans distinction…

«Personnellement, conclut-il son témoignage, l’appel que j’ai reçu comme tout chrétien converti, est de partager la Bonne Nouvelle avec quiconque, sans distinction…»

Mais il souligne aussi combien il ressent dans son cœur, un souci particulier pour apporter la Bonne Nouvelle de l’Évangile aux musulmans, à son peuple.

En 2019, un an avant sa mort, après de longues années de services et de dévouement dans ces milieux difficiles, il reçoit une récompense officielle: il est fait chevalier de la Légion d’honneur, médaille qu’il reçoit des mains de Laurent Nuñez, alors Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, qui en quelques mots le présente à l’auditoire présent:

«Salim Bouali, cet ancien légionnaire devenu le «grand frère» le plus aimé de Marseille.»