« On me considère comme le plus grand coureur de tous les temps, mais, au fond, ça ne veut pas dire grand-chose. J’avais un don du ciel, je l’ai utilisé : je n’ai pas grand mérite. N’importe quel médecin au monde a réussi des choses plus importantes que moi… »

Pourtant l’homme qui prononçait avec sincérité ces paroles de sereine modestie face à la presse, fut véritablement un grand champion ; et c’est l’Union Cycliste Internationale qui lui a décerné le titre de « Meilleur cycliste du XXe siècle », devant les Coppi, Anquetil, Hinault et autres grands du vélo…

Son palmarès est inégalé à ce jour, et le restera probablement, estiment les spécialistes de la discipline : entre 1965 et 1978, Eddy Merckx a remporté 525 des quelque 1 800 courses auxquelles il a participé, dont 445 en tant que coureur professionnel, au nombre desquelles on compte 5 « Tour de France », 5 « Giro » (Tour d’Ita-lie), 7 « Milan-San Remo » et 5 « Liège-Bastogne-Liège », trois Championnats du Monde… pour ne citer que quelques-unes des plus prestigieuses !

A plus de 71 ans et 40 ans après ses exploits, E. Merckx demeure – qu’on le veuille ou non, qu’on ait aimé ou non sa personnalité – le coureur cycliste le plus connu au monde, et l’icône incontestée du cyclisme international…

« Le Cannibale » – surnom qu’il a toujours détesté, estimant qu’il ne reflétait pas du tout son état d’esprit – tenait l’essentiel de ses victoires d’une recherche constante de la perfection, d’une méthode, d’une minutie et d’une rigueur sans failles… qu’il a ensuite appliquées dans une reconversion réussie : à 71 ans passés, il teste encore lui-même tous les nouveaux modèles de vélos créés pour la marque et l’usine de cycles qu’il a fondées en 1980 !

« J’avais un don du ciel, je l’ai utilisé : je n’ai pas grand mérite… » analyse-t-il, quant à lui ; relativisant, sans vantardise, forfanterie ou grandiloquence…

Mais la profondeur et la grandeur de son humble évaluation vient ensuite, quand il place ses succès sur l’échelle des valeurs humaines : « N’importe quel médecin au monde a réussi des choses plus importantes que moi ». Une aide apportée. Des souffrances soulagées. Des vies sauvées…

Comme il est bon d’entendre résonner de telles paroles dans l’air de notre temps, où l’accessoire se distingue si mal de l’important, le futile de l’essentiel, et où les véritables valeurs sont si souvent bradées au profit du clinquant et du superficiel…

Voilà aussi une vraie leçon de modestie adressée, sans le vouloir, par un champion à tant de « stars » – du sport, du spectacle, des arts… – imbues de leur personne et de leur gloire médiatique, qui inondent les ondes et les pages de déclarations aussi grandiloquentes que grotesques, faisant assaut d’ego et d’autopromotion.

Eddy Merckx a bien raison : il y a tant de choses plus importantes qui se font dans le monde… Et souvent par des anonymes sans prétention. Des choses qui mériteraient bien plus d’attention, et de reconnaissance…

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