«Une injustice faite à un seul, est une menace pour tous.»

Montesquieu avait raison.

A notre époque où les statistiques et les sondages inclinent à penser «collectif» au détriment de la personne, sa réflexion garde tout son sens et sa valeur d’avertissement.

Les statistiques sont utiles, encore que leur sécheresse n’exprime pas toujours les réalités!

Les sondages, eux, s’ils satisfont la curiosité, sont bien plus subjectifs et parfois même orientés…

«On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs» arguait un docte personnage, cadenassé dans ses certitudes guerrières, quand un de mes amis lui reprochait les conséquences redoutables de ses interventions brutales et sans nuances.

Mon ami lui rétorqua: «Si vous étiez l’œuf brisé, vous ne raisonneriez pas ainsi!»

Mais il en est qui semblent insensibles à la souffrance d’autrui quand la cause qu’ils défendent ou promeuvent –ou leurs intérêts!– sont en jeu!

Et il en est d’autres, intarissables et véhéments quand ils parlent de la misère, de l’injustice en général et sous leur aspect collectif, qui ne lèveront pas un sourcil, ni «le petit doigt» pour venir en aide à quelqu’un de leur entourage, ou pour défendre telle modeste victime d’une injustice dans le cadre familial ou de quelque cercle local.

Comme la vérité, la justice est une!

Une injustice faite à un seul est une menace pour tous.

Quiconque accepte que soient répandues des paroles mensongères, des déclarations fausses, quels que soient les objectifs visés,

ou que la spoliation et l’arbitraire règnent en quelque lieu que ce soit,

est coupable d’une grave atteinte aux droits, à la dignité, non seulement de ceux qui sont visés, mais également de la personne humaine.

Alors tout est faussé…

L’acceptation d’une seule injustice ouvre la porte à l’injuste!

Le précédent servira d’argument pour recommencer, amplifier, et peu à peu c’est toute la notion du droit, de la justice, de la vérité, du respect de l’autre qui s’érodera, se fissurera et disparaîtra.

Aussi, comme trop souvent dans l’histoire des hommes, et hélas, dans l’actualité quotidienne de notre monde, tout devient possible, même le pire!

Quels que soient les alibis qui ont été et sont présentés pour justifier l’injustifiable, le viol du droit des personnes et des peuples, de leur liberté de choix, de leur dignité, ne saurait être accepté par l’honnête homme, même si le plus proche de ses proches s’en faisait le propagandiste pour quelque raison que ce soit!

Que l’injustice soit commise au nom de la race, de la classe, d’une doctrine philosophique, religieuse ou politique,

d’un parti, d’une féodalité, d’un syndicat, d’une coterie ou d’un club…,

qu’elle vise à favoriser un «copain» au détriment d’une autre personne, ou à privilégier en fonction des affinités, des origines…

ou à aimer davantage un enfant plutôt qu’un autre, «à faire des différences» ainsi qu’on le dit,

toute injustice, tout favoritisme est spoliation, et engendre la souffrance.

Toutes les injustices!

Injustices sociales, bien évidemment, multiples et diverses… d’hier et d’aujourd’hui!

Toutes celles engendrées par les oppresseurs de toutes sortes,

par les régimes dictatoriaux de toutes obédiences,

par les lois et traditions iniques,

par les humiliations et persécutions causées par la haine, l’exclusion ou la bêtise humaine…

Il y a tant de domaines où la souffrance naît de l’injustice,

depuis les actes barbares les plus évidents, jusqu’aux injustices plus dissimulées

au sein de la famille,

ou de la bande de camarades,

ou dans la cour de l’école…

Maltraité, moins aimé, tourné en dérision… la liste est longue.

La parole de Montesquieu est à considérer, tant sous l’angle du droit, de la justice au sens absolu, mais aussi du cœur!

Au-delà des fondements de la liberté, de la démocratie, du respect de chacun et de tous, le véritable sens de la justice a sa source dans le cœur de l’homme.

«Celui qui aime, dit l’Evangile, ne fait pas de mal au prochain».

Aimer, souffrir face à toutes les injustices, secourir, encourager…, n’est-ce pas le chemin de lumière.

«Si vous avez fait cela à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait…» Et le Christ s’identifie à celui qui a faim, qui souffre du dénuement, au malade, au prisonnier, à l’affaibli (et qui ne l’est ou le sera un jour ou l’autre…)

«Vous l’avez fait… ou vous ne l’avez pas fait!»

A cette aune, celle de la justice et de l’amour véritables, seront mesurées a dit Jésus, toutes les motivations et les actions des hommes.

«Une injustice faite à un seul est une menace pour tous».