L’on est souvent surpris, en parcourant l’histoire de l’église et du christianisme, de constater combien les chrétiens, à chaque génération, ont généralement été «de leur temps», pour reprendre une expression populaire…

Et cette conformité aux pensées et aux mœurs de leur époque, à sa culture, ne s’est pas seulement traduite par des comportements sans grandes conséquences, des us et coutumes anodins et légitimes,

reflets de traits de civilisation banals et fluctuants selon les lieux et les moments de l’histoire, mais parfois par des attitudes et des pratiques en totale opposition avec l’enseignement biblique !

Il suffit, pour s’en convaincre, d’évoquer – un exemple parmi des multitudes qui pourraient être pris – le fait que des protestants français, descendants des huguenots épris de liberté et durement persécutés, aient pu se livrer à l’esclavagisme et au terrible «commerce triangulaire», à Nantes et ailleurs… 

Dans le même temps, au contraire, des chrétiens d’églises issues de la même Réforme, tels les Quakers, luttaient contre l’esclavage au nom de l’écriture et de leur foi…

«Vous ne ferez pas ce qui se fait…» avait dit l’éternel à son peuple.

Des siècles auparavant, Dieu avait donné ce mot d’ordre au peuple d’Israël, en lui révélant les Paroles qui devaient faire de lui le peuple-témoin, singulier par sa vie et par son message pour les autres peuples : «Vous ne ferez pas ce qui se fait…» (Lévitique, ch.18, v. 3) ; une parole maintes fois répétée de diverses manières.

L’éternel savait la tendance «instinctive» de l’homme, en tout lieu et en tout temps, à faire ce qui se fait autour de lui, à se laisser influencer, à vouloir imiter, se conformer, ne pas être différent…

Pour Israël, le danger était d’en venir peu à peu à abandonner sa foi en le seul vrai Dieu et l’obéissance à Sa Parole pour adopter les croyances et les mœurs des peuples païens qui l’entouraient. Ce qu’il fit souvent, empruntant des chemins détournés pour rejoindre les voies de l’idolâtrie.

«Ils imitèrent…» est le reproche récurrent énoncé par les prophètes de la part de Dieu concernant son peuple devenu infidèle.

Or, «faire ce qui se fait» autour d’eux est aussi précisément le réflexe de beaucoup de chrétiens à travers les siècles et aujourd’hui.

La Bible doit-elle suivre l’évolution des mœurs ?

Une simple observation de l’évolution des pensées, des convictions et des mœurs effectives de la majorité d’entre eux dans les pays occidentaux – et ailleurs sous leur influence – révèle ce mimétisme: à mesure que la société environnante s’éloigne des lois et des mœurs qu’avait données à celle-ci le judéo-christianisme, et que l’on entre dans une ère «post-chrétienne» – selon les termes des historiens – l’on voit les églises et les chrétiens suivre cette évolution, en nombre grandissant, avec un léger décalage dans le temps –décalage dont la durée s’amenuise avec les années.

Un homme politique français avait forgé ce slogan, voici bien des années, pour justifier son revirement sur l’interdiction de l’avortement, et sa promotion d’une transformation de la loi en ce domaine : «La loi doit suivre l’évolution des mœurs» (des mœurs auxquelles l’on habituait et conditionnait «l’opinion publique» à force de campagnes médiatiques et autres !)

A voir l’évolution rapide de ces dernières décennies dans la vie de beaucoup de chrétiens, et dans l’enseignement de beaucoup d’églises, l’on pourrait se demander si leur slogan, formulé ou inavoué, n’est pas:

«La Bible doit suivre l’évolution des mœurs»; la «Parole de Dieu», son message, ses commandements, sa prédication doit être adaptée, conformée aux philosophies et aux pratiques de la société ambiante…

Quand 50% des évangéliques ne voient pas ce que la Bible aurait à leur dire… 

La moitié des chrétiens évangéliques américains – et le chiffre doit être sensiblement le même pour les Européens – ne voient pas ce que la Bible pourrait avoir à leur dire sur leur mode de vie, leurs mœurs (etc.) indiquaient voici quelques années les résultats d’une vaste enquête menée parmi eux.

Voilà qui est révélateur et symptomatique : ce sont donc les modes et les mœurs de leurs contemporains qui dictent à ces chrétiens leur manière de vivre concrète, pratique, en tous domaines, et non la Parole de Dieu, reléguée au rang de vague référence religieuse, théorique, volontairement déconnectée de la vie réelle.

La Bible se trouve ainsi souvent révisée – et la Parole édulcorée, voire bâillonnée – pour que les convictions et les mœurs puissent être étalonnées sur celles du «monde», que cette Bible dénonce.

Le «paysage» qu’offre aujourd’hui le «monde chrétien» dans son ensemble –mais non dans sa totalité, heureusement, car il est des «résistants» – est révélateur : dans les domaines de la morale, de l’éthique, de la famille, du couple, de l’éducation des enfants, des conceptions et pratiques de la sexualité (etc.)– et jusque dans des aspects tels que les modes vestimentaires indécentes– le «monde» est dans l’église.

Sans la Parole de Dieu, les chrétiens n’ont plus de parole à dire au monde…

Même l’individualisme forcené de notre époque gagne les cœurs et les vies, engendrant par exemple le «nomadisme» d’un nombre croissant de chrétiens. Ayant perdu toute vision de ce qu’est l’église, et de ce que sont les ministères donnés par le Christ à son église (épître aux éphésiens, ch. 4), ils vont de lieu d’église en lieu d’église, ou n’y vont plus du tout… L’émiettement de notre société trouve un écho – ou plutôt comme une réplique sismique – dans l’émiettement des églises !

Or, quand l’église s’identifie et s’assimile au «monde», elle n’a plus de parole à lui apporter. Le « Sel a perdu sa saveur».

Sans fidélité à la Parole de Dieu, elle n’a plus rien de particulier à dire. N’est-ce pas pourquoi tant des messages envoyés par tant d’églises sont aujourd’hui dans le contenu comme dans le style – dans le fond comme dans la forme – si étonnamment semblables aux discours du monde qui les environne.

A l’image de ces menhirs bretons surmontés d’une petite croix taillée dans leur granite, ils semblent, hélas, se réduire à un recyclage à peine christianisé des slogans, des modes, des pensées du paganisme ambiant.

«Il faut être de son temps»… est l’un des poncifs formulés pour tenir lieu d’excuse ou de motivation à l’apparente sagesse, souvent étayé d’un usage abusif du mot de l’apôtre Paul «Je me suis fait tout à tous», alors cité hors contexte et détourné de son sens.

Faut-il «être de son temps» ?…

«Être de son temps»… est-ce là l’objectif, l’idéal ou le viatique pour la marche des chrétiens en ce monde, ou la règle à mesurer de leur «témoignage»?

Jésus, priant le Père céleste, a dit, parlant des siens: «Ils ne sont pas du monde, comme je ne suis pas du monde. Sanctifie-les par la vérité. Ta Parole est la vérité… Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde, et je me sanctifie moi-même pour eux afin qu’eux aussi soient sanctifiés par la vérité…» (évangile de Jean, ch. 17).

être dans le monde, sans être du monde. Voilà la situation et la mission du chrétien et de l’église: y être comme témoin de l’évangile ; y être comme «frère en humanité» pour les êtres humains, solidaire dans leurs souffrances, mais séparé de leur péché.

En ce sens, l’apôtre Jean a écrit : «N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui. Car tout ce qui est dans le monde – ce que désire la chair, ce que désirent les yeux, et l’orgueil de la vie – tout cela ne vient pas du Père mais du monde. Or le monde passe, et ses désirs aussi. Mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement…» (I Jean, ch. 2, v. 15 à 17).

«L’on t’a fait connaître ce qui est bien…»

Dieu a un jour dit par le prophète Michée à son peuple, tellement égaré dans les voies des peuples païens voisins qu’il se demandait s’il ne lui faudrait pas chercher à se concilier la faveur de l’éternel, et se réconcilier avec lui en lui sacrifiant de ses enfants premiers-nés, comme ces peuples le faisaient pour leurs divinités : «On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien et ce que l’éternel demande de toi: c’est que tu pratiques ce qui est juste, que tu aimes pardonner et que tu marches humblement avec ton Dieu.» (Michée, ch. 6, v. 8).

«On t’a fait connaître…» Dieu s’est révélé. Il a parlé; donné Sa Parole, qui demeure par-delà les siècles, les cultures et les civilisations. C’est elle qui est la fondation de toute vie authentiquement chrétienne. C’est elle qui doit demeurer l’étalon de mesure de toutes choses. Et non les us et coutumes d’une époque, quand bien même se penserait-elle «sage et intelligente», et supérieurement éclairée.

Ce n’est pas le mimétisme ou l’identification la plus grande possible au «monde» que les chrétiens et les églises doivent rechercher. Mais la fidélité à la Parole qui les sanctifie – comme l’a dit le Christ – et qui leur donne alors une parole de vie, de libération et d’espérance à apporter au monde, quels que soient les temps.

Pourquoi le Christ ressuscité promet-il à l’église fidèle qu’Il la gardera lui-même de la tentation (de l’épreuve) «qui vient sur le monde entier éprouver tous les habitants de la terre» (Livre de l’Apocalypse, ch. 3, v. 10) ?…

Parce qu’elle a elle-même gardé Sa Parole avec persévérance !