« Qu’allait-il faire de cette serviette de cuir contenant une très grosse somme d’argent ? »

Le secret de l’étonnante scène qui s’est déroulée en octobre 1998 a été révélé depuis peu :

« Le bureau de l’Académie des sciences morales et politiques s’était réuni ce lundi-là, comme chaque semaine…

Dès l’ouverture de la réunion, Pierre Messmer, ancien premier ministre, demanda la parole pour « une affaire exceptionnelle »… et avec le plus grand calme, il raconta – en demandant de garder provisoirement le secret – une histoire de sa vie militaire. »

« Pendant la dernière guerre, à l’époque où Rommel cherchait à gagner Alexandrie, il était lui-même lieutenant en Cyrénaïque. Il fut convoqué par son commandant et un officier des services secrets britanniques qui lui donnèrent l’ordre de partir avec sa section pour détruire un camp ennemi installé dans le désert pour assurer des transmissions radio. Après ce coup de force, sa section et lui-même seraient récupérés à un endroit bien précis par des camions alliés.

Messmer accomplit sa mission « avec facilité », car les Italiens qui occupaient ce camp étaient peu nombreux et furent totalement surpris. Puis il repartit vers le point de rendez-vous convenu, avec les prisonniers italiens. Là, ils attendirent longtemps, très longtemps, et finirent par décider de rentrer, sans vivres et sans moyens, en rendant la liberté à leurs prisonniers. Ce retour fut un calvaire sous le harcèlement des avions allemands qui les avaient repérés et ils ne furent que deux rescapés à regagner finalement la base.

Messmer alla demander des explications à son commandant qui lui répondit tout de go : « Je n’ai envoyé personne, car j’étais persuadé que vous seriez tous morts dans l’opération. » P. Messmer ne lui cacha pas son indignation. »

Plus tard, alors qu’il était premier ministre, il reçut la visite de celui qui avait été son supérieur ; il venait lui faire part de ses remords…

Les années passèrent, et un autre visiteur se présenta : le fils de cet officier! Son père, qui venait de mourir, lui avait expressément demandé de remettre à P. Messmer une serviette de cuir contenant le fruit de ses économies, et ce, à titre de réhabilitation morale posthume.

L’ancien premier ministre refusa… mais son interlocuteur fut intransigeant et, posant la serviette de cuir, s’en alla.

Il n’était pas question pour P. Messmer d’accepter aucune compensation financière pour ce drame du passé…

Et il décida alors d’en faire don à l’Académie des sciences morales et politiques pour créer éventuellement une fondation.

Le silence se fit autour de la table, à l’ouïe de ce récit.

« J’ai tenté, explique Yvon Gattaz, l’un des témoins, de lui faire remarquer que cet argent lui appartenait en propre… mais il me rabroua vertement. »

L’Académie ne pouvant accepter de l’argent liquide sans origine définie, ni justification, les membres du bureau furent plongés dans une grande perplexité…

Puis une solution fut trouvée :

une attestation signée de tous les membres du bureau assurerait l’authenticité du don… et ainsi fut fait !

« Gardez le silence pour l’instant » avait exigé l’ancien premier ministre.

« Nous avons tenu parole, conclut Y. Gattaz, mais à sa mort je me sens délié de cette promesse et je tente ainsi de rendre à Pierre Messmer un hommage tardif, qu’il a mérité pour sa conduite une fois de plus héroïque, pour son désintéressement total, et, pour son exceptionnelle modestie. »

Il m’a semblé bon d’évoquer cette étonnante scène, réconfortante à bien des égards !

« Etonnante », et pourtant qui devrait être naturelle…

Sans qu’il y ait de ma part aucune allusion politique, je voudrais noter que Pierre Messmer était en cela dans la droite ligne du général de Gaulle, qui même en déplacement officiel, payait ses faux frais de son propre argent…

On est bien loin de toutes les turpitudes et dérives graves des « caisses noires » de politiques de tous bords, de clubs sportifs… et autres abus divers, « sociaux » ou autres !

Ne retenons, dans « un regard d’espérance, d’espoir », que ce fait :

il existe encore, à tous les niveaux de la société, des hommes et des femmes honnêtes, intègres et… modestes, tels que le fut le Latin Cincinnatus en son temps.

A une époque où le mensonge, la fraude, « l’esbroufe »…, font des ravages (et pas seulement à la télévision et dans des films), où la jeunesse – et pas seulement la jeunesse – contemple tant de contre-exemples, il est indispensable de se rappeler que chacun est responsable de lui-même, de ses choix, de ses engagements, de l’utilisation qu’il fait de sa vie.

Et que nul n’est obligé de suivre les « habitudes », modes et mœurs de tel ou tels milieux…

Parmi les paroles éternelles de la Bible, il en est une qui définit la conduite de toute une vie :

« L’intégrité des hommes droits les dirige ».

Tout est dit !

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