L’édit de Nantes…

Ainsi en est-il de «l’édit de Nantes» !

Cet éditorial écrit il y a quelque 22 ans est toujours un appel à la réflexion, en ce XXIe siècle où tout semble pouvoir surgir…

«L’édit de Nantes» ! Ces quelques mots résonnent chez la plupart d’entre nous comme une réminiscence d’un cours d’histoire !

 Il est bon en effet de se souvenir que cet édit fut, au milieu de terribles souffrances, un pas timide mais réel vers la liberté de conscience et la reconnaissance des droits de l’homme.

«La pensée unique» qui régnait jusqu’alors dans un climat de dictature et d’arbitraire, par le fait du pouvoir royal et de la religion dominante, fut quelque peu battue en brèche…

Et les fleuves de sang, les torrents de haine et d’exclusion, les souffrances morales et physiques innombrables cessèrent… pour un temps!

Car la révocation de cet édit de Nantes par les forces conjuguées du centralisme absolutiste, et les efforts constants des religieux persécuteurs, ouvrirent toutes grandes les portes de l’horreur: persécutions, tortures, exactions de toutes sortes, rapts d’enfants dans les familles huguenotes, galères, meurtres… véritable génocide avec fuite à l’étranger d’une partie importante des forces vives du peuple de France.

Mon propos n’est aucunement de raviver les blessures qui se sont cicatrisées… et le pardon est une réalité chrétienne profonde !

De plus, la séparation des églises et de l’état, la laïcisation de la République, ont créé les bases indispensables à l’équilibre de la vie en société, pour peu que la laïcité soit dans son expression ce qu’elle est par essence, une réelle neutralité.

Les contacts fraternels établis entre les églises, en particulier depuis ces dernières décennies, ont heureusement fait naître une ère nouvelle.

Cependant, il est nécessaire que demeurent présentes à notre mémoire collective ces aberrations, afin de veiller à ce que jamais cela ne se reproduise à l’encontre de personne.

Alors que le deuxième millénaire s’est achevé, rien n’est gagné en ce domaine sur cette terre des hommes.

Le 20e siècle a été l’un des plus sanglants de l’histoire, avec ses guerres mondiales, ses multiples conflits en divers lieux de la planète,

ses génocides, ses doctrines inhumaines qui ont semé et sèment la mort, emprisonnant sous des régimes de fer des peuples bâillonnés…

Et l’actuelle résurgence des nationalismes exacerbés, le fanatisme religieux notamment de l’Islam, 

la montée des intolérances et des rejets… prouvent que la plus grande vigilance s’impose à tous !

Dans beaucoup de pays, aujourd’hui, les droits élémentaires sont bafoués, parfois cyniquement, parfois de manière hypocritement dissimulée.

La liberté, le respect des droits de l’homme, sont des valeurs essentielles mais si fragiles.

Ne devons-nous pas, chacun de nous, avec persévérance, faire un examen profond, de nos propres manières de voir, d’évaluer, de juger… car chez l’être humain, quel qu’il soit, même chez l’enfant, sommeille et se réveille, parfois brutalement, une intolérance qui ne veut pas toujours dire son nom.

Il nous faut faire une véritable «ascèse» de l’esprit pour éliminer toutes racines d’intolérance, qu’elles soient conscientes ou inconscientes, ataviques, culturelles, religieuses, politiques, philosophiques ou autres.

La différence choque ! Le «Comment peut-on être persan» de Montesquieu souligne une constante de la nature humaine.

Parce que tu es différent, tu as tort ! C’est une réaction primaire, mais que même des esprits qui se croient «grands» manifestent.

Certes, tout n’est pas d’égale valeur, et les doctrines, raisonnements, desseins et comportements de certains peuvent être redoutables et donc, après des études objectives et sérieuses, doivent être signalés comme tels, voire combattus lorsque effectivement ils mettent en danger la liberté et la vie de l’autre,

mais ceci étant, la liberté de chacun doit être reconnue, pleine et entière, pourvu qu’elle s’arrête, ainsi que le dit l’adage, là où commence celle des autres.

La Déclaration des Droits de l’Homme est claire à cet égard.

L’édit de Nantes fut davantage un édit de Tolérance qu’une reconnaissance véritable…

C’était un commencement, mais il fut brutalement stoppé !

La tolérance est déjà une avancée si on la compare à la dictature, mais ne faut-il pas bien plus ?

Pas seulement tolérer que l’autre, les autres, pensent et agissent d’une manière différente, mais reconnaître leur droit d’être différents, et accepter de les entendre, plus encore, de les écouter.

Non pas pour tout accepter, loin s’en faut!

La réflexion suivante, dont le nom de l’auteur m’échappe, Voltaire peut-être, me paraît digne d’être méditée :

«Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire»,

et cette autre qui démasque bien des persécutions et meurtres cachés derrière leurs arguments :

«Tuer un homme, ce n’est pas défendre une idée, c’est tuer un homme», avertissait S. Castellion.

Ne soyons pas angéliques ni naïfs !

Il faut des lois, des tribunaux, des codes de comportement, sans lesquels l’existence ne serait pas possible en société.

Mais il faut que ces lois, ces tribunaux, ces codes, soient objectifs au sens le plus grand et noble du terme, définis en fonction des valeurs essentielles communes à l’humanité.

Un minimum que toute personne de cœur et de bon sens, reconnaîtra comme indispensable pour le bien de tous, et respectera dans l’esprit et la lettre.

La liberté est indivisible !

Le mot: «choisis», est un des plus grands de la Bible car il révèle que le Créateur de toutes choses a voulu donner à l’homme une liberté totale de choix, l’informant clairement du sens de sa destinée et des conséquences terrestres et éternelles de ses choix.

Car il est évident que la liberté entraîne la responsabilité.

C’est vrai dans le quotidien, comme dans les grandes options de l’existence,

et c’est à la lumière de l’éternité, à la lumière du Christ, que tout prend son véritable sens.