Peu de temps avant sa mort, Miguel, le vieil Espagnol, l’exilé, livra le fond de sa pensée, la conclusion de ses longues réflexions solitaires…

C’est Christian Signol, l’écrivain, qui, dans la préface d’un de ses livres : « Les amandiers fleurissaient rouge », confie le souvenir qu’il garde de ce qui a été l’un des grands moments de son existence.

Il connaissait Miguel depuis son enfance, et avait appris à l’aimer.

Rescapé de la terrible guerre civile espagnole, Miguel, comme beaucoup d’autres, avait trouvé refuge dans le sud de la France.

Et Christian Signol écrit :

« …nous nous trouvions dans la petite maison où il vivait seul, en ayant froid, parfois l’hiver. C’était en 1979, bien après la disparition du général Franco. Miguel était accoudé sur ses genoux, il regardait le feu, rêvait à son passé :

«Tu vois, me dit-il, d’une voix étrangement calme, quand Franco est mort, ça n’a pas guéri ma blessure.

Je sais maintenant que je ne retournerai pas en Espagne, que ma vie se termine et que je n’ai pas vécu.

Et aujourd’hui après tant d’années, après avoir beaucoup réfléchi à tout ça, je m’aperçois que j’ai appris une seule chose : c’est que les hommes qui vivent dans la haine ne sont jamais heureux. »»

Quelle parole !

« Ne pas haïr ! »

Combattre pour une cause juste, vraiment juste, oui !

Lutter pour que triomphent la justice, la liberté, la vérité… mais sans haine…

Ne jamais oublier que, comme l’écrivait S. Castellion, « Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. »

Bien évidemment, il ne faut pas faiblir devant les tyrannies, les oppressions, les injustices…

ne pas fermer les yeux quand des « méchants » s’attaquent aux enfants, aux faibles, aux « sans défense »…

Bien évidemment, on peut agir avec détermination, avec vigueur quand il s’agit de secourir les autres, l’autre ; quand le but du combat est juste, noble,

et que l’on agit d’une manière totalement désintéressée.

Il y a tant de « croisades » d’exactions, de violence… qui ne sont qu’exutoire à la haine, ou désir violent d’assouvir le tumulte de son propre cœur… pour d’autres, derrière les idées qui semblent généreuses, les envolées lyriques, sont dissimulés bien des calculs, ambitions et convoitises…

Mais il est aussi de longs combats où d’aucuns ont engagé leur vie, dans un authentique don de soi… pour des objectifs de bien ou qui paraissaient l’être !

Quelle que soit l’aventure, car c’en est toujours une,

pour que rien ne vienne l’entacher, marquer le souvenir d’un regret qui pourrait être remords, il faut bannir la haine.

La haine est une gangrène de l’âme.

Lorsque le Christ a chassé les trafiquants du Temple, où ils s’étaient installés avec la complaisance, sinon la complicité de chefs religieux, il a agi avec calme, force, mesure…

L’Évangile nous dit « qu’il prit des cordelettes, fit un fouet, et renversant les tables des trafiquants, il chassa les animaux du parvis du temple, dispersa la monnaie des changeurs », expliquant ce geste fort en ces termes :

« …ma maison sera appelée une maison de prière, mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs. »

Il rétablissait ainsi ce qui aurait dû toujours être !

Certains, parmi les puissants ne le lui pardonneront jamais.

Il y a beaucoup d’appels, de slogans, d’enrôlements dans ce monde… et au cours des siècles beaucoup se sont levés et y ont par- fois laissé leur vie, ou leur honneur, ou pire, leur âme !

Mais il est des causes justes qui méritent que l’on s’y intéresse et s’y dévoue.

Il ne faut pas se tromper, ni être trompé !

Il faut beaucoup de sagesse, de discernement, de recul pour évaluer toutes choses.

Certes, il faut aussi de l’enthousiasme, de l’élan, du cœur,

mais éclairé, maîtrisé par la réflexion, la méditation,

à la lueur de l’histoire des hommes,

et à la lumière du conseil qui ne passe jamais : la Bible.

Miguel, le vieil exilé, qui avait tant donné, tant souffert,

laisse une parole d’éternité.

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