Vous souvenez-vous d’Emile Albert Rudolf Ratelband ?… C’est lui qui, fin 2018, a brièvement fait la Une – ou le «buzz» selon le terme usité, et bientôt usé – dans son pays et à travers l’Europe, avant de disparaître des écrans aussi vite qu’il y était apparu.

E. Ratelband, Néerlandais de 69 ans à l’époque – né le 11 mars 1949 – exigeait que sa date de naissance soit modifiée afin que son état civil le dise désormais né 20 ans plus tard, le 11 mars 1969…

L’affaire, jugée par le tribunal d’Arnhem, dans le sud des Pays-Bas, était une première car elle ne portait pas sur la réparation d’une erreur – E. Ratelband est bien né le 11 mars 1949 – mais sur l’officialisation d’un mensonge!

Les arguments de l’homme pour justifier cette manipulation des faits étaient que, se sentant «jeune et affûté», il s’estimait «abusé, lésé et discriminé» par son âge réel, et voulait être rajeuni…

Et E. Ratelband d’arguer en audience: «On peut aujourd’hui choisir son travail, son sexe, ses orientations politiques et sexuelles. On peut même changer de nom. Alors pourquoi ne pas avoir le droit de changer d’âge ?»

Le tribunal d’Arnhem a rejeté cette argumentation spécieuse le 3 décembre 2018, mais E. Ratelband, après avoir un moment envisagé de faire appel, mène campagne depuis pour promouvoir son idée.

Il faut dire que ce citoyen néerlandais est connu comme «gourou de la pensée positive» dans son pays, coach spécialisé dans «le développement de la conscience de soi», homme de télévision et politicien. (Il avait fondé son propre parti en 2002 – appelé en toute modestie le Ratelband List – sans succès électoral, après que le mouvement politique auquel il appartenait – le Leefbar Nederland – lui eut refusé une position de tête de liste…)

Si l’affaire prête à sourire, à rire –ou à se désoler – elle traduit bien la confusion des esprits et de l’époque. Elle dit beaucoup sur le remplacement du réel par le virtuel, sur le délitement du rapport à la réalité et à la vérité, sur la transformation de la volonté et du désir personnels, des envies, en «droits» individuels, sur cette illusion de «toute-puissance» – version moderne de l’hubris des Grecs anciens– née de l’individualisme et de l’égocentrisme dans une société en perte de sens, de repères et de valeurs… Une société où se multiplient aussi les troubles de la personnalité et de l’identité.

Or, qu’il le veuille ou non, le sente ou pas, Emile Ratelband a 72 ans… A moins que la terre ait ralenti sa course autour du soleil, et «ne tourne plus rond» !