C’était en Norvège, le 22 avril 2016, et la presse internationale a beaucoup relayé l’anecdote: un avion de guerre F-16 a permis de sauver un patient en détresse cardiaque et respiratoire…

Ce jour-là un homme en situation critique est admis aux Urgences du petit hôpital de Bødø. Pour le sauver, il faudrait pouvoir effectuer une oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO), mais ce modeste établissement ne dispose pas de l’appareil adéquat.

Le médecin-chef appelle alors son collègue de l’hôpital Saint-Olav de Trondheim, qui est doté de l’unité nécessaire… Problème: les deux villes sont séparées par quelque 500 kilomètres de routes montagneuses. Le temps qu’une ambulance rejoigne le petit hôpital de Bødø, le patient aura succombé…

Anders Wetting-Carlsen, médecin-chef de l’hôpital de Trondheim, n’hésite donc pas: il appelle l’Armée de l’Air, dont l’une des bases est toute proche.

Là, il se trouve que deux avions de combat F-16 MLU du 338 Skvadron d’ørland sont en «stand-by», s’apprêtant à participer à un exercice.

Le chef d’escadron Børge Kleppe, commandant la base, n’hésite pas non plus: par chance, l’un des deux appareils prêts à décoller est équipé d’un caisson externe capable d’accueillir le volumineux équipement médical !

Tandis qu’une équipe médicale spécialisée est dépêchée à Bødø depuis un autre hôpital, le F-16 rejoint l’aéroport de la petite ville en 25 minutes, au lieu des 35 qu’il aurait dû mettre pour cette distance : «Nous avons un peu forcé les gaz…» expliquera le chef d’escadron B. Kleppe au journal local Verdens Gang.

Et le patient sera sauvé…

Au-delà du symbole fort – un avion de guerre, fait pour tuer, utilisé pour sauver une vie humaine – ce fait divers mérite réflexion. Il a valeur d’exemple :

au Bataclan, des soldats français, obéissant aux ordres, ont refusé d’intervenir malgré les supplications d’un héroïque policier, puis ont refusé de lui prêter leur FAMAS pour sauver des dizaines de vies – et la sienne, qu’il risquait pour ce faire–ainsi que l’a révélé une enquête parlementaire, et l’ont souligné de nombreux médias.

Quel contraste! Triste, affligeant …

Quel plaidoyer pour une décentralisation de bien des décisions! Pour une «dé-bureaucratisation» des instances de décision…

Mais, regardant encore au-delà de ces contingences: quel réconfort, et quel message fort, de ce que l’humain puisse encore primer. Bref, que la vraie civilisation demeure ici et là, et puisse encore triompher de l’inhumaine logique technico-administrative, des implacables «impératifs comptables», de la froideur de la pure raison…

 

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